L'annonce officielle est tombée cette semaine. La ville du Mans, après bien des tergiversations, des hésitations coupables et de vraies difficultés, s'est finalement résolue à installer un "service minimum" d'accueil des enfants pour les jours de grève dans l'Education. Ceci se mettant en place avant une journée de mobilisation importante prévue le 19 mars. Voyons quel est ce dispositif et pourquoi il est nuisible et critiquable.
Tout d'abord, comment cet accueil va t-il fonctionner ?
Les élus locaux n'ont pas voulu faire jouer le rôle de briseur de grève à leur personnel territorial (ATSEM, animateurs), d'autant que ceux-ci sont également syndiqués et pouvaient faire grève par solidarité ou par protestation. Le droit de grève étant constitutionnelle et individuelle, et étiquette de gauche oblige, ils ont préférés reporter ce sale boulot sur d'autres salariés. Il y a aussi, il faut le reconnaître, de bonnes raisons à ça : des problèmes de responsabilités civiles tant pour les locaux que le matériel ou les accidents, des problèmes de recrutements en nombre suffisant de personnels compétents notamment. Autant d'arguments que le tribunal administratif de Nantes n'a pas voulu entendre quand des communes sarthoises de plus petite taille n'ont pas voulu mettre en place le dispositif. Allonnes et Changé, dans l'agglomération mancelle, en ont fait les frais et ont été sommé d'appliquer la loi.
Le choix manceau consiste donc à organiser cet accueil exceptionnel dans des maisons de quartier transformées en centre de loisir, et seulement pour les enfants des écoles primaires dont les parents travaillent. Immédiatement des questions se posent : pourquoi le problème de recrutement disparaîtrait-il subitement en se déplaçant ? Si la masse d'enfants est importante, comment seront-ils accueillis ? Pourquoi ce qui est valable pour des enfants de primaire ne l'est pas pour ceux de Maternelle ? il est clair que ces questions demeureront.
Les conséquences négatives du dispositif.
Les élus avancent comme argument le fait que des personnes actives en situation précaire, sans solutions de gardes, se retrouvent en difficultés en raison des grèves. Or, reconnaître cela comme une généralité, c'est justement accepter les arguments gouvernementaux contre la grève-qui-prend-en-otage. La vérité, c'est aussi que bon nombre de salariés ont recours à des amis ou à des parents pour faire garder leurs enfants, voire qu'ils bénéficient de certains arrangements avec leurs employeurs : bref, la débrouille, comme cela a toujours été le cas. En mettant en place ce dispositif, les élus locaux accréditent en partie la thèse selon laquelle les grévistes sont des égoïstes inconscients qui ne soucient guère de ceux qui souffrent réellement.
Autre effet pervers prévisible : la facilité pour les travailleurs de recourir à ce service fera que certains qui avaient des solutions de rechange ne chercheront plus à les utiliser. La fréquentation risque donc d'augmenter et de renforcer encore davantage la culpabilisation des personnels grévistes.
Mais, ce sont surtout sur les emplois impliqués que les menaces pèsent le plus.
En premier lieu, il y a fort à parier que la municipalité fera appel, entre autre, aux personnels chargés de la surveillance dans les cantines le midi. Or, il faut savoir que ces emplois sont très précarisés, partiels et ne bénéficiant que très rarement de véritables formations. Ces personnes n'ont souvent même pas le statut d'animateur. Bien entendu, leur syndicalisation n'a rien à voir avec celle des personnels titulaires de la fonction publique territoriale qui travaillent dans les écoles. Autrement dit, la mesure abuserait de la précarité et de la pauvreté de ces travailleurs particulièrement démunis : ceux-là, au moins, on est sûrs qu'ils ne feront pas faux bond. Si la ville voulait vraiment les aider, elle commencerait par leur donner un autre statut et des moyens de subsister dignement en complétant leurs emplois actuels.
En second lieu, le piège du gouvernement consiste également en la démonstration par les faits que la garderie peut se substituer à l'école maternelle, cela en vue de l'éliminer peu à peu. Fort heureusement, le choix manceau ne va pas sur ce terrain, pour le moment. Mais qui nous dit que l'extension de la mesure ne va pas petit à petit entériner ce triste dessein ? La machine est enclenchée : on admet, au moins partiellement, qu'il est possible de remplacer l'école sur les temps dits scolaires. Et pourquoi pas, demain, ou après-demain, des interventions du même type pour pallier aux défaillances chroniques et croissantes del'inspection académique incapable de remplacer les enseignants absents ?
Décidément, le manque de courage de la municipalité ne rend pas service aux travailleurs qu'ils soient en grève, parents ou les deux.