Les syndicats du Mans et de la Sarthe de la CNT (Confédération Nationale du Travail) constatent avec les salarié.e.s et indépendant.e.s qui manifestent en gilets jaunes qu’il est parfaitement juste de lutter contre la vie chère qui les écrasent chaque jour un peu plus. Une réalité volontairement ignorée par les gouvernements successifs depuis au moins 2008 et pourtant prouvée par des données objectives d’organismes sérieux comme l’INSEE ou l’OCDE.
Moins de salaires nets, de revenus d’activités pour tous et toutes, plus d’aides sociales pour les plus pauvres
Les ménages ont donc perdu en moyenne 440€ par an de revenu disponible depuis 2008 et le début de la crise financière. Un tiers des plus pauvres ont perdu de l’argent sur la période en dépit des compensations mises en place. Les changements de mode de vie des familles sont identifiés comme les grands responsables de cette situation : plus de familles monoparentales, plus de personnes isolées, âgées ou non. Mais les évolutions du marché du travail n’ont absolument pas permis de s’en sortir face à ces changements familiaux. Elles les ont même aggravés. Ce sont ainsi les ménages ayant un niveau de vie inférieur à la médiane qui ont subi les effets de la dégradation du marché du travail, hausse du chômage, développement du temps partiel et des contrats courts. C’est uniquement grâce au système de protection sociale et de redistribution des revenus que les plus pauvres parmi les plus pauvres, les « inactifs » notamment, ont pu s’en sortir. Nous parlons là des revalorisations très insuffisantes des minimas sociaux et allocations diverses, voire de la baisse de certaines comme les aides au logement. Mais cela a tout de même limité les pertes. Pour tous et toutes par contre, les mesures fiscales ont été négatives, surtout pour les salarié.e.s actifs et actives les plus aisé.e.s, en proportion de leurs revenus. De quelles évolutions fiscales parle t’on ? en premier de fortes augmentations des cotisations vieillesses et retraites et autres cotisations sociales salariales, des gel des seuils de l’impôt sur le revenu en 2011,2012 et 2013, de l’augmentation généralisée de la CSG, du CRDS.
https://www.insee.fr/fr/statistiques/3646112?sommaire=3646226
Nous tenons aussi à rappeler une évidence gommée par ces chiffres : bien que davantage bénéficiaires des prestations sociales voire même sauvé.e.s par elles de la déchéance, les plus pauvres le restent durablement et leur nombre s’étend considérablement. La réduction toute relative des inégalités entre salarié.e.s grâce à la redistribution n’empêchent pas ceux et celles d’en bas de continuer à crever. Le taux de pauvreté infantile français, révélateur de ce que vivent les exploité.e.s, s’élevait selon l’OCDE à 11,3 % en 2016 contre 9,3 en 2007, notamment du fait du chômage d’un.e ou des deux parent.e.s de ces enfants
La priorité des gouvernements : sauver la rentabilité financière des détenteurs du capital
Pour nous à la CNT, ces évolutions montrent clairement comment, au cours de la dernière décennie post crise, les états ont servi les intérêts capitalistes sur le dos de la population. Pour éviter l’écroulement du système économique mondial, les Etats ont renfloué les caisses des banques pour sauver les grandes entreprises et ont accordé de multiples cadeaux fiscaux et exonérations de taxes ou impôts pour permettre aux investisseurs, actionnaires et créanciers de limiter leur endettement et de retrouver de la productivité financière.. Le coût du sauvetage des établissements bancaires de l’Hexagone s’est élevé à 30 milliards d’euros. Entre 2009 et 2015, le taux d’imposition sur leurs bénéfices n’aura été que de 8 %, bien loin du taux officiel de 33,5 %. Pour l’État, cela a représenté un manque à gagner de 15 milliards d’euros au cours des dix dernières années, creusant ainsi le déficit et la dette étatique.
https://www.bastamag.net/Entrez-dans-le-monde-des-banques
Ces avantages donnés tous azimuts au patronat sont inefficaces et engraissent principalement les actionnaires et autres parasites propriétaires des outils de travail. Il n’y a aucun « ruissellement » sinon celui du désespoir vers le bas de l’échelle sociale. Les premier.e.s de cordée tirent à fond dessus, font lâcher les boulets de dessous, la récupère et l’utilise pour grimper plus haut. Tout.e.s seul.e.s. Aux autres de payer pour leur réussite.
Le financement du sauvetage financier ? par le petit patronat (un peu) et surtout le salariat qui prend en charge l’endettement
Le petit patronat ment effrontément quand il décrie les « charges sociales » comme causes de ses malheurs, à savoir sa juste contribution au financement de la protection sociale par les cotisations patronales. . En réalité, ce petit patronat, le premier à geindre et à pleurnicher, est un ramassis d’assistés par l’Etat, dont les interventions lui permettent de renforcer ses gains personnels en améliorant les marges bénéficiaires quand l’entreprise est rentable.
« Ce sont en effet les établissements employant moins de 10 salariés qui captent la part la plus importante des exonérations (5 milliards en 2004, 8,5 milliards d’euros en 2008, et 8,1 milliards en 2011) ». Il apparaït même que « Les entreprises de petite taille qui bénéficient des taux d’exonération les plus élevés sont donc les moins sensibles aux exonérations » pour leur survie et leur développement. Les échecs de ces petites entreprises ne seraient pas dus au coût du travail mais à des charges financières « Elles connaissent un déficit de financement se traduisant par des difficultés d’accès au crédit, des taux débiteurs plus élevés ,un poids important du crédit interentreprises et un moindre accès aux marchés financiers. Elles sont aussi et surtout pénalisées par la difficulté de trouver des consommateurs et de maîtriser leurs coûts de production Ces difficultés n’étant pas corrigées par la réduction du coût du travail, ces entreprises ne peuvent donc pleinement profiter des effets des exonérations de cotisations sociales ». Les petites entreprises sont donc surtout victimes des prédations bancaires, de leur manque d’innovation. Les investissements vont vers les plus riches, les plus performants ? bienvenu en régime capitaliste..
Ajoutons enfin le fait que ces mêmes patrons bénéficient d’aides importantes pour certains emplois comme ceux des apprenti.e.s.
Pour le salariat, par contre, il y a la double peine.
La perte constante de pouvoir d’achat est d’abord la conséquence directe et exclusive des pressions exercées par le patronat pour abaisser le coût du travail depuis 30 ans. L’étude de l’INSEE démontre que ce sont les cotisations sociales salariales qui ont le plus augmenté en 10 ans et qui pèsent aujourd’hui sur les budgets de ménages en révolte. Pourquoi ? pour financer la protection sociale rendue déficitaire par les énormes exonérations et allègements fiscaux accordés aux patrons., petits ou grands, que nous venons de mentionner. D’après l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss), les montants des exonérations ont atteint 24,2 milliards d’euros, soit 1,25 % du PIB en 2011, alors qu’ils représentaient 18 milliards d’euros, soit 1 % du PIB en 2004 3. En sept ans, leur coût a donc augmenté de 35 %.
A cela il faut ajouter les « exemptions d’assiette » : Les prélèvements sociaux peuvent ne s’appliquer qu’à une partie seulement des revenus issus du travail (« exemption d'assiette ») entraînant une perte de recettes pour la Sécurité sociale qui correspond à la différence entre le montant qui aurait résulté de l’application de l’assiette normale et le montant effectivement perçu.
Ces exonérations de cotisations ont généré de la dette qui a été transférée en 1996 à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES). Soit : 236 745 milliard en 2015.Son financement passe par la perception de la Contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), ainsi que d’une partie de la Contribution sociale généralisée (CSG) c’est à dire par l’impôt des ménages.
La CADES fait appel également pour son financement aux marchés financiers (elle émet sa dette en euros, mais aussi en devises tierces : dollar, yen, franc suisse et différentes autres devises). Marchés financiers qu’elle enrichit au passage.
Petit ou grand, le patronat vole donc toujours un peu plus les salarié.e.s de la valeur réelle et intégrale de la plus value que leur travail collectif créé. Le profit, parce qu’il s’agit bien de ça, est accaparé par le biais de ce report cynique et insupportable du financement de la protection sociale vers la seule classe laborieuse.
La dégradation est enfin accentuée par le chômage et la précarité, l’intérim en tête, lesquels permettent à ce même patronat de faire régner la terreur et d’imposer des bas salaires et des conditions de travail à minima voire déplorables. . L’ OCDE rappelle ainsi également que les niveaux de salaires croissent toujours moins vite qu’avant 2008 et que la forte augmentation des emplois à temps partiels subis depuis la crise conjuguée à un fort taux de chômage entrainent la création d’emplois à bas salaires en nombre bien plus importants.
https://www.latribune.fr/economie/international/salaires-l-ocde-sonne-l-alarme-784149.html
Les conséquences les plus graves de cet abaissement sont visibles sur la santé des travailleurs et travailleuses. La durée moyenne des arrêts longs, ceux de plus de 30 jours, a augmenté de 10% entre 2012 et 2016 tandis que de 23% des salariés ne respectent pas les arrêts maladie qui leur sont prescrits. C'est un chiffre en hausse de quatre points.
L’épanouissement au travail est un privilège. Il suppose savoir faire valorisé, autonomie, bonnes conditions de travail et bonne rémunérations. Ce n’est pas vrai pour la grande majorité du salariat.
Les récits que la CNT72 a enregistré entre mai et juin 2018 auprès de 5 salariés, ex intérimaires dans différentes branches, illustrent parfaitement ce que qu’est l’exploitation, en particulier pour les jeunes débutants, en tête desquels figurent les apprenti.e.s. Qu’est ce qu’en 2018 le fait que de devenir ouvrier.e, employé.e en logistique, agent.e de restauration ? Comment se passe l’insertion dans les entreprises ? quels sont les risques et conditions de travail imposés par la patronat ? Comment les petites entreprises font elles pour compresser les salaires ? Autant de questions que ces témoignages permettent de contribuer à éclairer. La première partie de ces enregistrements sera suivis de bien d’autres avec les mêmes protagonistes, notamment en abordant le thème des rémunérations et de l’augmentation du coût de la vie.