Lors de la dernière journée de manifestation contre le loi travail, qui a réunit environ 4000 personnes au Mans le jeudi 26 mai, les syndicats de la CNT 72 ont collecté 629 € en pleine rue et ont versé 700 € à l’union locale CGT de Saint Nazaire en soutien aux grévistes de la raffinerie de Donges. L’union départementale CGT de la Sarthe a été prévenu en début de manifestation de cette initiative et, sans pour autant la soutenir, n’a pas marqué d’opposition. Le chèque a été signé et mis sous plis devant des responsables syndicaux CGT de l’usine FPEE (fabrication industrielle d’huisseries PVC et alu) et de l’inspection du travail ainsi qu’un camarade de SUD21 présent ce jour là au Mans.
Cette action n’a pas été relayé par les autres syndicats pour plusieurs raisons. Tantôt parce que les unions locales ou départementales ont estimé que c’était inutile du fait de leurs propres réserves en trésorerie qui seront, le moment opportun, reversées aux secteurs en lutte. Tantôt parce que ce type d’action est jugée démobilisatrice et une bonne excuse pour se défausser sur les autres et ainsi éviter de se mettre en grève pour les salarié-e-s absent-e-s des cortèges. Enfin, certain-e s n’ont pas apprécié que la CNT, petite organisation syndicale, profite de l’occasion pour se mettre en avant en s’appuyant sur la mobilisation de sections syndicales extérieures.
Ces différentes positions considèrent donc ce type d’action comme symboliques, dangereuses, opportunistes et in fine, peu propices actuellement.
Bien au contraire, les syndicalistes révolutionnaires et anarcho – syndicalistes de la CNT pensent qu’il s’agit d’un outil essentiel pour les grèves dures qui se mettent en place dans certains secteurs industriels de l’énergie et des transports.
Principalement parce que les syndiqué-e-s et non syndiqué-e-s, privé-e-s d’action de blocage localement, peuvent ainsi signifier en toute conscience leur soutien à ceux et celles qui oeuvrent concrêtement à la victoire du mouvement, marquant ainsi leur approbation de ce type d’action. Si des U.D ou des U.L. versent en secrêt des fonds en soutien, sur la base des cotisations, cela est ignoré et n’a pas la même portée tactique. Il s’agit d’une déresponsabilisation des travaill-eurs-euses, qui n’ont plus à se prononcer sur ces questions individuellement. Ainsi, verser de l’argent pour la raffinerie de Donges, constitue une sorte de sondage sur ce que nous devrions faire ici. Un différent qui s’est exprimé en acte lorsque des jeunes ont bloqué le tram devant la Gare Nord : des syndicalistes CGT de l’usine Valéo de La Suze sont alors venus quand la police à commencer à menacer (gentiment) d’interpellations. S’en est suivie une altercation ferme entre un délégué syndical de cette usine et le secrétaire de l’U.D, le premier expliquant que le taux de grévistes élevés sur son site ne résisterait pas longtemps à la mollesse des manifestations à répétition proposées au Mans. Donner de l’argent à la caisse de grève, c’est voter pour le blocage.
Bien entendu, il est exact que certain-e-s peuvent se saisir de la caisse de grève pour se soulager la conscience et faire grève par procuration. Mais cela pose bien d’autres questions : si autant de gens se contentent de verser quelques euros au lieu d’entrer en grève, c’est qu’il existe des obstacles connus que sont les bas salaires, les astreintes ou les pressions hiérarchiques. Aux syndicats de les rassurer, de les défendre. C’est aussi l’expression d’un manque de conviction dans les formes d’action proposées par l’intersyndicale. Et c’est surtout le résultat de l’absence totale de travail de mobilisations constatée dans bon nombre de sections. Invoquer la grève générale ou les blocages, comme certain-e-s le reprochent à la CNT, ne relève pas d’une formule magique qu’il suffirait de réciter pour qu’elle se réalise, mais bien d’un processus long et fastidieux qui passent obligatoirement par l’annonce claire de l’objectif (ce que fait la CNT) et l’implication de tous et de toutes sur le terrain, à commencer par les syndiqués. Bref un gros travail préparatoire interprofessionnel où la motivation se communique et les actions de développent peu à peu.
Des unions locales et départementales à l’initiative qui décident seules et impulsent plutôt qu’elles ne renforcent, coordonnent ou valorisent les comités de grève sur le terrain, c’est ce qui fait que le mouvement se morfond et perd en intensité. L’échec, c’est que nous voyions un changement d’attitude à la base : les délégués, malgré toute leur bonne volonté, ne peuvent plus (ou rarement) mettre des sections en grève. Personne ne donne de leçons ni ne dit que c’est facile, mais beaucoup constatent, amers, la vraie passivité des adhérents sur les lieux de travail. Aucune grève ne peut se construire dans des organisations ou si peu de gens militent et ensuite jaugent les directives en fonction de leurs priorités personnelles. Seul le pouvoir à la base, la démocratie directe et sociale, permettra de retrouver un dynamisme qui fait cruellement défaut et de casser le développement de l’adhérent consommateur. Et si, là où ça bloque, c’est qu’il y a eu un vrai travail préalable et de longue haleine de formation et de participation collective à la gestion du syndicat ? la fédération nationale des industries chimiques de la CGT, adhérente de la fédération syndicale mondiale communiste, fonctionne sur des bases proches de celles-ci, nul ne peut le nier. Il n’y a donc aucun hasard à la voir la plus combative et déterminée. A d’autres camarades.