Récemment, un nouveau Directeur Départemental de la Sûreté Publique (DDSP) est arrivé au Mans. En provenance de Troyes, la ville de l'ancien Ministre de l'intérieur UMP François Baroin, ce commissaire divisionnaire a de la suite dans les idées et pourrait bien appliquer au Mans des recettes testées dans la préfecture de l'Aube. Baroin en était content (Sarko lui, est moins content de Baroin) : rendez-vous compte, les indicateurs de crimes et délits y ont baissé en 2008 de 10%. Cette arrivée ne sera pas la seule, l'équipe de choc auboise va se reconstituer.  Tout cela interpelle au moment où la presse locale nous a fait cet été, comme par hasard, des dossiers sur la tranquillité publique, notamment dans le centre-ville. Ça tombe vraiment bien : le "DDSP" est un pro des innovations techniques.

 

 

 

Les complaintes de la gauche mancelle enfin entendues…

 

On le sait depuis longtemps, la municipalité n'aime pas trop les kébabs ni les activités nocturnes en centre-ville (voir les arrêtés anti –kébabs, anti ventes de nuit) Pas de chance, Le Mans connaît bien-sûr comme partout une misère urbaine et les débordements ponctuels de personnes totalement désœuvrées mais la ville n'est pas la pire question insécurité. Il n'y a pas de vraie pègre implantée localement. Par contre, on le sait aussi, ce désordre, même mineur, est contraire aux intérêts électoraux. Mieux, le sentiment d'insécurité peut s'avérer juteux. Et quand on est classé à gauche, il faut rassurer sur sa fermeté, non ? 

 

Prenant prétexte des incivilités de quelques excités plutôt abrutis, on condamne donc avec ces arrêtés toute une population, jeune pour la plupart, à errer dans les rues ou à rentrer chez soi alors que certains ne le souhaitent pas et ne sont pas spécialement braillard ni pénibles. On se souvient aussi de la tentation de la vidéosurveillance, dans le "quartier chaud" de la rue du Docteur Leroy , chez nos élus socialistes pour cadrer tout ce petit monde ou encore d'un certain zèle contre le "bruit" à proximité ou à l'intérieur de certains estaminets musicaux. Il semblerait que notre ville soit très connue pour ses excès festifs et son ambiance débridée (sic)

 

La position locale sur le thème de la sécurité est claire : la ville ne doit pas se substituer aux prérogatives de l'État en matière de maintien de l'ordre. Et par voie de conséquence, les élus ont toujours préféré réclamer davantage de moyens pour les services de police, ce qui fait plaisir à leurs syndicats, que de créer un service de police municipale sur mesure. A défaut de grands renforts (on est quand même pas aussi bien servis que chez Baroin, pour ça il faudrait voter UMP les gars-les filles), voici donc une équipe jeune et dynamique. Avec eux, il y a du renouveau dans l'air…

 

Une équipe et des techniques

 

Tout d'abord, une curiosité : deux ans après leur arrivée dans l'Aube, les deux jeunes commissaires de police Vanessa Mazière, 29 ans, et Mathieu Pancrazi, 27 ans, plient bagages pour rejoindre Le Mans. Ils retrouveront là-bas le commissaire divisionnaire François Chaumard, ex-directeur départemental de la sécurité publique de l'Aube, qui les a précédés de quelques mois dans la cité mancelle. Il est permis de penser que cette association n'est pas innocente et précède la mise en œuvre de techniques de sécurité équivalentes à celles pratiquées à Troyes. Pour ce qu'on a réussi à en savoir, voici 3 éléments développés là-bas qui pourraient  bien relancer les débats manceaux sur les moyens répressifs et les buts poursuivis par les pouvoirs publics :

 

- l'hélicoptère comme à L.A. : En juillet dernier, entre minuit et 1h30, peut-être avez-vous été importuné voire réveillé dans certains quartiers manceaux par le bruit du moteur et des hélices d'un hélico particulièrement bas. Explications données dans la presse quelques jours plus tard :  " repérer les runs, rassemblements de motards qui enchaînent figures acrobatiques et pointes de vitesse de manière sauvage, sur la voie publique (..) L'opération de surveillance a été menée conjointement par la gendarmerie, propriétaire de l'hélicoptère, et la police, qui a engagé plusieurs patrouilles en voiture." Des runs dans le quartier de l'hôpital ? Étrange endroit...Mais peu importe les résultats, initiateur de ce tapage nocturne sans limite à Troyes en 2008 pour un match de foot, le commissaire chaumard,  avait prévenu : Son utilisation va « se banaliser en zone police » Ce joujou annonce sans doute ce que Michèle alliot-Marie rêve de développer, à savoir des drones, ces avions sans pilote qui filment et retransmettent l'occupation des voies urbaines.

 

- des caméras partout : Notre dynamique commissaire en est convaincu, les caméras de vidéo-surveillance sont très efficaces. Constatant à Troyes une baisse de la délinquance urbaine de 41 % entre 2007 et 2008, il affirmait sans ciller que ces bons chiffres confortent le choix de mettre en place une vidéosurveillance en centre-ville début 2007. « La baisse générale constatée est clairement amplifiée dans les zones vidéoprotégées par 14 caméras (- 36 %) », analysait-il. Pour lui, pas un doute n'est permis, il n'existe pas de problème d'un éventuel déplacement de la délinquance... « Nous disposons d'un logiciel de sectorisation et nous voyons bien que les taux sont lissés à la baisse en périphérie aussi. » Il s'est donc réjouit de la décision de l'ex-ministre de l'Intérieur François Baroin d'augmenter le champ couvert par les caméras.

 

- la géocriminalité : Cette science venue des États-Unis allie cartographie numérique, bases de données sur les crimes et délits et urbanisme. Elle permet de localiser très précisément les points chauds et autres points de fixations des actes délictueux et donc d'anticiper en redéployant certains moyens humains ou matériels. Toujours à la pointe, notre DDSP en est donc un sérieux adepte comme le prouve sa déclaration sur des "taux" sectorisés. Peu importe que cela implique un risque de fichage de toute personne fréquentant ces lieux et donc soupçonnée de délinquance potentielle. Peu importe également l'instrumentalisation politique de la lutte contre la délinquance : En effet, aux États-Unis, ces outils puissants permettent aux élus locaux de jouer avec le sentiment d'insécurité des habitants en déplaçant les moyens répressifs au gré des enjeux  communautaires et clientélistes voire pour encourager des phénomènes de dévalorisation immobilière de portions de territoires urbains destinés à concentrer les difficultés sociales.

 

L'arrivée de ces nouvelles technologies devrait relancer les débats et les délires sur la nécessaire surveillance publique des citoyens. Rétifs à la vidéosurveillance jusqu'à présent, la majorité municipale cèdera-t-elle aux discours enthousiastes de cette nouvelle police ? Va-t-elle favoriser l'usage de gadgets dont l'utilité reste à démontrer  comme le prouve une étude sur le bilan de la vidéosurveillance en Angleterre (où les images provenant des 65 000 caméras londoniennes n’ont permis d’élucider que 3% des vols commis sur la voie publique) ? Qui sera le garant du respect de la vie privée ? Pourquoi des informations publiques et des cartes de crimes devraient-elles rester cachées ? Si des caméras ne dissuadent pas du passage à l'acte, on voit mal pourquoi des cartes auraient plus de poids chez les délinquants… à priori peu amateurs de lecture d'atlas.