Pour l'arrêt immédiat de la répression anti-syndicale en Guadeloupe

Meeting organisé par le CICR, Comité international Contre la Répression, avec le soutien de l'Entente Internationale.

intervention d' Elie Domota, secrétaire général de l'UGTG – Union Générale des Travailleurs de Guadeloupe – et porte-parole du LKP – Lyannag Kont Pwofytasion ( Collectif contre l'exploitation outrancière).

On peut constater que parmi toute les informations diffusées par les médias sur la situation internationale, rien n'est dit sur la répression anti-syndicale. Celle-ci sévit aussi en Guadeloupe, où l'on voit une volonté manifeste de criminaliser toute forme d'action syndicale. Depuis deux mois, sur toutes les télévisions, on assiste à une mise en scène de débats anti-LKP, une télé a même relayé un appel au meurtre d'un syndicaliste et des appels à condamnations pour d'autres militants.

Les mouvements de grève ont repris depuis quelques mois, car les accords obtenus en 2009 après le mouvement victorieux n'ont absolument pas été respectés, ni par le gouvernement ni par les élus même socialistes, sans aucune mise en œuvre des grandes décisions :

les monopoles et les abus de la part des importateurs et distributeurs persistent, sans aucune sanction,

Le plan d'urgence de formation des jeunes, avec un budget de 38 millions d'euro financé par l'Etat et les collectivités, n'a pas vu le jour. Alors que le taux de chômage chez les jeunes de moins de 25 ans atteint les 60%, la population est matraquée de statistiques sur la délinquance et la criminalité de la jeunesse,

le tarif unique de l'eau, en remplacement des 11 tarifs au mètre cube existants , n'est toujours pas mis en place,

Le plan d'insertion et de promotion des cadres de Guadeloupe, autant dans le public que dans le privé, est resté lettre morte. Les deux seules personnes à avoir bénéficié de promotion dans l'île sont Marie-Luce Penchard , UMP, ( passée de secrétaire d'Etat à Ministre chargée de l'Outre-Mer après Yves Jego en novembre 2009, et Victorin Lurel , PS, député de Guadeloupe et président du Conseil Régional, nommé Ministre à la succession de Penchard en mai 2012 ).

La seule réponse visible est la répression qui s'abat sur tous ceux et celles qui ont participé au grand mouvement de 2009. Depuis un mois, des grèves dans le public et le privé ont été déclenchées pour dénoncer le non-respect des engagements pris en 2009 concernant les augmentations de salaires. L'accord Bino de 2009 ( du nom du syndicaliste assassiné le 18 février 2009 ) prévoit 3 niveaux d'augmentation sur les bas salaires, assurant une augmentation de 200 euro par mois, dont 100 versés par l'Etat et les collectivités pendant 3 ans via la mise en œuvre du RSTA ( augmentation de 15% répartie sur 3 ans) .

A partir du 01/03/2012, les employeurs se sont engagés à prendre le relais de l'Etat pour financer intégralement les 200 euro. Mais le MEDEF s'oppose maintenant au motif que l'Etat a prorogé les mesures ( le RSTA est prolongé jusqu'en décembre 2012 pour les entreprises qui n'ont pas signé initialement l'accord. Pour rappel, le gouvernement a publié en 2009 un arrêté d'extension de l'accord Bino sur les salaires en Guadeloupe, qui impose l'augmentation à toutes les entreprises, le MEDEF ayant refusé de signer l'accord ).

Aujourd'hui, devant les entreprises, ce sont des escadrons de gendarmerie qui débarquent pour briser les piquets de grève. Et le patronat recourt à des travailleurs clandestins pour remplacer les grévistes. Déjà 20 condamnations sont tombées pour entrave à la liberté du travail. Alors que les organisations syndicales ont interpellé le nouveau Ministre ainsi que la direction ministérielle du Travail, le Préfet a décidé d'interdire au ministère de dire le droit face à la situation au motif de la campagne électorale !

Un délégué syndical du Crédit Agricole, salarié depuis 30 ans, a été licencié à cause de ses activités syndicales. Dans un premier temps, la demande d'autorisation de licenciement a été refusée par l'Inspection du travail de Guadeloupe . L'employeur a alors exercé un recours auprès du Ministère du Travail qui a donné l'autorisation. Le délégué a donc reçu un premier courrier le 11 mai , portant la date de décision du 20 avril. Mais le 16 mai, il reçoit un deuxième courrier, sous une autre rédaction mais portant la même date de décision du 20 avril , ce qui trahit les magouilles du pouvoir autour de cette décision !

17 camarades de l'hôtellerie sont inculpés d'homicide involontaire indirect ( suite au décès d'un jeune touriste en février 2009) et sont mis en examen. Raymond Gauthiérot, ancien secrétaire général de l'UGTG, a été condamné à 3 mois de prison ferme pour des faits de grève remontant à 2005. Des dizaines de milliers d'euro d'amendes pleuvent sur les travailleurs.

Une jeune militante qui a participé à la grève de 2009 a été accusée de propos infamants et d'incitation à la haine raciale et condamnée à 1 mois de prison avec sursis et 1000 euros d'amende.

Elle a fait appel et lors de cette audience, lorsqu'elle a voulu s'exprimer en créole, le juge l'a faite expulser du tribunal, à la suite de quoi son avocat a fait un malaise. Le procès n'a pas pour autant été interrompu et la militante a été condamnée , sa peine de prison avec sursis maintenue et l'amende alourdie à 11000 euros. La militante s'est alors pourvue en Cassation, ce qui a été accepté au motif que l'avocat de la défense n'avait pu s'exprimer en dernier !

Un dernier procès a donc eu lieu à la Cour d'Appel de Fort de France, en présence d'un traducteur en créole guadeloupéen, et elle a finalement été condamnée à 18 mois de prison avec sursis et 3000 euros d'amende, alors qu'aucune preuve, ni écrite ni audio ou vidéo n'a été produite.

En Guadeloupe, il n'existe pas d'opposition politique. Depuis un an et demi, aucune réponse n'a été donnée, ni par Penchard, ni par Lurel. Il y a une alliance politique entre la droite et la gauche pour contrôler le mouvement social. L'élu en Guadeloupe se caractérise par sa capacité à se métamorphoser au niveau de son étiquette politique et par sa constance dans l'opposition au mouvement social. Donc seule la lutte paie !

Il faut que l'information sur la situation franchisse les limites de la Guadeloupe.

En 2014 est prévue la première élection des conseillers territoriaux, nouveaux élus créés par la réforme territoriale( en ce qui concerne les collectivités outre-mer, une nouvelle catégorie est créée, la collectivité unique,qui résulte de la fusion de la région et du département et reste régie par l'article 73 de la Constitution, cad que toutes les lois françaises s'y appliquent de plein droit). En 2003, il y a eu une consultation qui n'a eu pour résultat que de diviser la population, entre partisans de l'article 73 ( statut actuel), ou de l'article 74 ( une collectivité d'outre-mer a un statut particulier défini par une loi organique, comme c'est le cas de la Polynésie Française par exemple). Mais la discussion reste à l'intérieur d'un cadre imposé. On met le statut avant le développement économique, on dit que la Guadeloupe coûte cher à la France. Mais on peut rappeler que la France est un pays où le soleil ne se couche jamais, et que grâce à l'Outre-mer, par exemple, elle possède le meilleur pas de tir pour les satellites.

Les projets de développement économique et social sont absents des décisions qui sont prises et qui ne visent qu'à enrichir la France, pour laquelle la Guadeloupe reste un marché captif à 80%. Donc la France n'a aucun intérêt à développer par exemple l'autonomie de l'agriculture pour l'alimentation locale. Le sucre et la banane restent les deux cultures principales, destinées à l'exportation, c'est la persistance d'une agriculture de type colonial.

D'autre part, la revendication de promouvoir les cadres guadeloupéens plutôt que ceux venant de l'hexagone, ne passe toujours pas. Alors que plus de 99% de la population est d'origine africaine et indienne, dénoncer l'absence de cadres originaires de l'île est taxé de racisme !

Culturellement, on ne se voit pas et on ne s'entend pas, le seul journal en créole est diffusé le 28 octobre, journée internationale du créole.

Au niveau scolaire, nous ne voulons pas une adaptation des programmes à la Guadeloupe mais des programmes adaptés par les Guadeloupéens.

Le mouvement social de 2009 a revendiqué un véritable projet de société, et l'accord Bino, bien que signé, n'a jamais été respecté car il remet en cause les liens entre la France et la Guadeloupe.

Les élus locaux n'ont aucun pouvoir et ne détiennent que des mandats de représentation.

Par exemple, Marie-Galante, qui compte 12000 habitants sur 3 communes, est richement pourvue en élus : 1 député européen PS, un sénateur divers gauche, mais ils n'ont pu empêcher la décision de l'Agence Régionale de Santé de fermer la maternité et la chirurgie.

A l'opposé, le principal actionnaire d'une sucrerie menacée de fermeture, a envoyé un courrier au Préfet et au Président du conseil Régional, réclamant une subvention afin de payer les ouvriers, et il a obtenu gain de cause.

Le LKP a créé une dynamique nouvelle, en fournissant à la population une vision assez précise et complète de la situation.

Alors que l'épandage de chlordécone est interdit en France et dans toute l'Europe, des dérogations ont été accordées aux grands propriétaires pour les champs de bananes. Des consultations ont été organisées au sein de la population, mais ce sont des vraies mascarades. Pour compliquer les choses, il y a plusieurs lieux de vote et l'info est restée très discrète. Même plus, les gens qui se rendent dans les bureaux pour participer à cette consultation sont reçus par la police. Aujourd'hui, 100% des Guadeloupéens sont contaminés, par un poison qui a été interdit aux USA dans les années 70 !

Nous avons choisi de contester, revendiquer et nous opposer à toutes les répressions.

Un mouvement de grève a démarré après la décision prise par Ferdy Louisy, maire socialiste de Goyave, de supprimer les 40% de prime de vie chère aux agents en congés maladie.

Pour finir, Victorin Lurel, le nouveau Ministre chargé de l'Outre-mer, avait dit qu'il n'irait pas au gouvernement, mais il n'a pas eu le choix car personne d'autre ne voulait du ministère qui est un terrain miné.