A quelques mois d’élections présidentielles qui verront à coup sûr le triomphe de la droite dure ultralibérale et nationaliste, l’intersyndicale sarthoise a choisi la capitulation par l’inaction face à une loi travail qui consacre la victoire des valeurs néoconservatrices, les mêmes qui s’imposeront inéluctablement dans les urnes : soumission accrue au patronat, renforcement de l’exploitation. Retour sur les deux dernières initiatives locales.
Le 18 juin dernier, la section CGT de l’usine FORD à Blanquefort, près de Bordeaux, annonce son intention de venir à l’entrée du circuit des 24 h du Mans pour une action de sensibilisation des amateurs de courses automobiles à la politique sociale hostile de leur employeur. Clairement, il est question dès le début d’agir ensuite dans l’enceinte du circuit, sans aucune dégradation ni violence. Cette action vise aussi à interpeller les dirigeants de Ford présents au Mans pour le grand retour de leur marque à la compétition en endurance automobile, d’autant que ceux-ci ne sont pas venus au salon mondial de l’auto où les syndicalistes ont l’habitude de les attendre. Respectant les structures de leur organisation, les CGT Ford sollicitent dans ce but les unions départementales pour une mise en contact avec les sarthois. Aucune réponse ni en Gironde ni en Sarthe.
Il faut dire que cette section syndicale fait preuve de pas mal d’autonomie dans le cadre de la lutte contre la loi travail et soutient des actions de convergences des luttes avec notamment des membres de nuit Debout qui bloquent ponctuellement des sites de production. Il faut dire aussi que cette section CGT a un représentant remuant et connu qui se présente aux élections présidentielles de 2017 : Philippe Poutou du NPA. Il faut dire aussi que le congrès CGT du mois de juin a vue une montée en puissance des courants radicaux qui déstabilise les dirigeants actuels et les proximités politiques traditionnelles avec des partis du front de gauche.
Esseulée, la CGT Ford Bordeaux demande et obtient de l’aide de la part des militants manceaux du NPA et de la CNT-f. Les anticapitalistes et les anarcho-syndicalistes les accueillent, les guident et les aident à distribuer leur tract au public tout en traduisant en anglais des passages à destination des nombreux étrangers qui viennent assister à la course. Ces militants locaux ont pourtant pris le soin de prévenir la CGT locale et d’insister pour une présence minimum des syndicats de la métallurgie, notamment les équipementiers comme NTN. Du côté de la CGT, c’est la désertion : par un militant, pas une délégation, pas un mot de soutien officiel. Seul un permanent s’est déplacé pour venir observer la scène et prodiguer des conseils : les drapeaux CNT sont trop visibles, ça gène, et fait un procès en opportunisme aux militants présents qui, eux, agissent et font preuve de solidarité de classe à la place de l’union départementale CGT qui, elle, a choisi d’abandonner ses camarades sous prétexte qu’il s’agit d’une fête populaire à ne pas entraver. Les nombreux conducteurs de Porsche et autre Ferrari sauront se reconnaitre.
Le 15 septembre, l’intersyndicale sort de sa torpeur estivale et nous invite à faire grève et à manifester avec, comme à l’accoutumée et pour la 14ème fois, une marche sans entrain dans les rues du Mans. Cette fois ci pas de partie de boule ni de balade en vélo pour s’occuper. Mais une nouvelle fois d’aucuns déplore la faible mobilisation dans certains secteurs d’activités, notamment dans le service public, et donc l’incapacité d’agir davantage. Seul petit hic dans cette belle fable des syndicalistes courageux et plein d’abnégation face à des salarié-e-s égoïstes et fatalistes : l’absence totale de diffusion par mails ou par tract de l’appel à manifester dans pleins de lieux de travail. Les milieux autorisés décident et manifestent entre eux, tout en pérorant qu’il faut de l’action et en se en lamentant que pas plus de personnes ne les rejoignent. La manifestation se termine comme une procession funèbre après seulement 1 heure de défilé, dans le silence grisâtre d’un chant religieux diffusé par le camion rouge de la CGT.
Résumons donc la tolérance de l’autonomie syndicale des sections CGT : quand il s’agit de ne rien faire pour mobiliser sur les lieux de travail, y’a droit. Quand il s’agit de bloquer l’économie pour gagner une lutte et d’être solidaire entre camarades, y’a pas droit. Une logique à géométrie variable qui en dit long sur la conception de la démocratie et les arrières pensées politiques. Bienvenu en enfer camarades et merci de ne nous y avoir conduit.