Par rapport au fiasco de la dernière manif du 21 janvier dernier, l’intersyndicale, notamment la CGT, avait fait les choses en grand. Pas question d’afficher la faiblesse chronique de la mobilisation des travailleurs avec des rangs clairsemés et éteints derrières les bannières syndicales, reflet d’un manque de conviction et de confiance évident. Grâce aux grosses sections CGT donc , du secteur privé surtout (Renault, MMa), mais aussi avec des rangs fournis des travailleurs de l’Education, le défilé a cette fois-ci eu de l’allure. Il fallait faire du chiffre pour faire taire les détracteurs, rassurer les troupes sur la détermination des chefs. Mission accomplie.

 

 Néanmoins, cette lente « montée en puissance » de la mobilisation avait l’an dernier accouché d’un désabusement total avec l’arrivée de l’été. Bon, depuis les élections européennes, puis régionales, sont passées, les militants politiques de gauche à la tête des centrales syndicales ont joué leur rôle, ils n’ont rien fait voire freiner pendant des mois pour que les gens « votent bien ». Le résultat est somme toute médiocre (nous y reviendrons prochainement) Passons à autre chose.  Les « fonctionnaires syndicaux », les permanents, ont de leur côté négocier, pardon fait monter les enchères pour leur collaboration avec les réformes. Les choses iront donc peut-être un peu plus loin cette fois-ci.

Mais la question stratégique reste bien là, entière :  en quoi cette démonstration de la capacité à bouger ses troupes sur une matinée va t-elle faire plier le gouvernement ? Quelle est la stratégie gagnante imaginée pour la suite des évènements ? mystère.

 

Une chose est sûre en revanche : la mobilisation ne sera vraiment payante que lorsque que la convergence des différents secteurs professionnels ne sera pas artificiellement créé par des mots d’ordre centralisés pour une manifestation d’un jour. La vraie convergence capable de créer un rapport de force, même minime au départ,  ne pourrait se produire qu’à partir des multiples syndicats de base en lutte de toutes les chapelles qui s’ignorent, qui ne communiquent pas du tout entre eux ni n’envisagent de faire grève, de manifester et encore moins de s’autoriser des actions solidaires sur la durée ou dirigées vers des cibles identiques comme les sociétés de crédits ou les trésoreries.

 

Tant que le corporatisme et la division à la base savamment entretenus perdureront par ailleurs pour enfermer des dynamiques de luttes, qui pourtant ne manquent pas dans les sections, rien de sérieux ne saurait émerger des « temps forts ». Prenons le temps de recenser et de créer un réseau local des entreprises et des services publics en grève, en lutte ou en souffrance et inquiète pour l’avenir, et organisons sur cette base solide et concrête un mouvement de protestation.

 Le but à atteindre serait alors de transformer une multitude de conflits « localisés » plus ou moins concomitants et caractérisés par une cessation collective du travail résultant d’un mot d’ordre interne à un établissement quelconque (ou plusieurs établissements d’une même entreprise) en un conflit généralisé commun à plusieurs établissements appartenant à des entreprises différentes ou à plusieurs entreprises. 

 Se réunir à 12000 ne prouve rien car il ne suffit pas de lancer les grosses sections syndicales sur le pavé pour emporter le morceau,  si aucune ne vit de conflit majeur, si aucune section syndicale n’est dans la lutte, la combativité collective ne sera pas suffisante pour bouger les indécis ni assumer des actes d’opposition plus radicaux.