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Colonia, un univers concentrationnaire décris sur fond de révolution chilienne

Voici un film qui se présente comme un film politique qui dénonce la loi du silence dont a pu bénéficier un ancien nazi au service du régime militaire du dictateur fasciste Pinochet. Prenant prétexte d’une séparation forcée d’un jeune couple d’américain présent à Santiago au moment du coup d’état de l’armée contre le président socialiste Allende et surtout contre l’effervescence révolutionnaire du pays, nous nous trouvons plongé par le biais du regard de l’héroïne dans un enfer sectaire vécu de l’intérieur.

L’intérêt principal du film est le sentiment d’effroi et de dégout qui se dégage dans certains passages bien précis : le cinéaste a soigné et réussi à rendre compte de la dureté glaciale et implacable qui broie les individus dans ces univers concentrationnaires. Plusieurs scènes émergent : la rafle et la sélection des contestataires à éliminer dans la stade national, une scène horrible où la peur est omniprésente, puis la découverte progressive des règles de vie collective basée sur la négation de toute velléité personnelle dans la Colonia dignidad. Le personnage de Paul Schäfer, l’infâme gourou des lieux, est magnifiquement incarné également. Son charisme et sa perversion, sa misogynie aussi, sont parfois hallucinées. Du calme apparent aux ordres donnés, il ne fait rien, à part s’intéresser aux enfants. Tout son pouvoir réside dans la parole. Le calme du tueur évoque une figure comme celle de Javier Bardem dans le film des frères Cohen, No Country for old Men, l’ultra violence en moins. La banalité du mal est ici expliquée par Schäfer : pas besoin de torturer les corps, il suffit de briser la volonté. Instituer un ordre et une discipline de fer et habituer à s’y conformer, le nazisme est ici un système de gestion. Seules les femmes y sont battues à mort, expiant le mal dont la communauté serait atteinte.

 

 

Plus faibles et anecdotiques sont les élans romancés du film, et surtout une réalisation très classique dont la forme esthétique ne rend absolument pas compte de la folie et du dérèglement collectif des lieux. Aucune force, aucun mystère, aucun vertige ne transparait. Le malaise ne fait que naitre du dégout, jamais il ne semble étrange ni venu d’ailleurs. Un enfer qui serait le fait d’un agrégat hors sol  d’individus hiérarchisés quand un être collectif existe en fait, un pacte qui propage le mal initial vers les adeptes. La ferveur, ce n’est pas gesticuler sur son siège au son d’une voix, c’est ne voir dans l’autre qu’une proie à dévorer, sollicité par les éléments naturels. Des adeptes bien inoffensifs dans le fond.

Enfin, un mot sur l’arrière boutique révolutionnaire du héro activiste. Comme toujours, les symboles et les comportements des révolutionnaires sont caricaturaux, simplistes. Des exaltés qui haranguent la foule, des relais actifs des grandes idées creuses de justice et d’égalité. Qu’on est loin de la réalité : calculer, anticiper, cibler. L’élaboration stratégique, au cœur du processus de révolution, est encore une fois absente. La révolution est aussi un monstre froid.